03.2021-06.2021 résidence Ambre Petitcolas, Hydroféminisme

« En mouvement perpétuel, l’eau est aussi une archive planétaire de sens et de matière. Boire un verre d’eau, c’est ingérer les fantômes des corps qui la hantent. Quand nous soulageons nos vessies, nous rendons à la mer nos antidépresseurs, nos oestrogènes de synthèse et nos excréments. Mais ce que nous rendons également à la mer, c’est le sens qui infiltre ces matérialités : la culture du jetable, la médicalisation, la déconnexion écologique. Les profondeurs des océans portent l’archive moléculaire des ères géologiques les plus anciennes : l’eau retient nos secrets, même quand nous préférerions les oublier. De la pluie aux tsunamis, l’eau fait remonter vers nous nos passés les plus anciens comme les plus immédiats. »

Astrida Neimanis, “Hydrofeminism: Or, On Becoming a Body of Water.” in Undutiful Daughters: Mobilizing Future Concepts, Bodies and Subjectivities in Feminist Thought and Practice, eds. Henriette Gunkel, Chrysanthi Nigianni and Fanny Söderbäck. New York: Palgrave Macmillan, 2012

En novembre 2020, Ambre Petitcolas découvre ce texte d’Astrida Neimanis. La première fois qu’elle le lit, elle le lit à voix haute dans son lit, et elle pleure. À partir de ce moment précis, tous les fluides de son corps se mettent en mouvement dans un but précis : rendre ce texte plus accessible et le transmettre à celleux qui ont besoin de l’entendre.

Lors d’une résidence au 3bisF qui dure deux jours, elle s’emploie pour la première fois à le traduire en français. Le lendemain, elle le performe dans la salle de bain de l’atelier, entourée des bruits d’eau et des fantômes des anciennes patientes de l’hôpital psychiatrique. Dans le bain brûlant qu’elle a fait couler dans la vieille baignoire, elle lit ce texte aux visiteurices, baignée dans la lumière bleutée des vagues d’une vidéo tournée par Anaïs Ghedini.

Courant 2021, Ambre viendra plusieurs fois à la compagnie. Grâce à leur imprimante alimentaire, elle produira dix éditions de ce texte totalement comestibles et imprimées sur du papier soluble dans l’eau. C’est ainsi que commence un cycle de performances pour baignoires qui sera offert aux habitant.e.s de six salles de bain, de Marseille à Annecy. La performance commence, la vidéo se lance, la salle de bain se charge d’énergie. Elle rentre dans la baignoire, quelques feuillets à la main. Le texte se fait entendre, il rebondit sur les carreaux de la crédence et envahit l’espace. À chaque fois qu’une feuille tombe, elle se fâne à la surface de l’eau, se ride, sombre petit à petit. Plus les pages tombent, plus nous coulons avec elles. À la fin, le texte est fluide, gluant, visqueux. Parfois il colle à la peau et y imprime ses vestiges. La bonde s’ouvre et les tourbillons l’emmêle. Il a imprégné l’espace et il est temps pour lui de remplir les canalisations, les cuves, les lacs, la mer, le monde. Quand il est parti pour de bon, le tuyau crie, comme pour nous annoncer son départ. Ce n’est que la première étape de son voyage.

Ces performances et cette édition ont fait l’objet d’une restitution à l’École Supérieure d’Art d’Aix-en-Provence le 23 juin 2021, lors du Diplôme National Supérieur d’Expression Plastique d’Ambre Petitcolas. La traduction du texte a été menée en collaboration avec Romain Emma-Rose Bigé.
Le texte est consultable ici.

« En mouvement perpétuel, l’eau est aussi une archive planétaire de sens et de matière. Boire un verre d’eau, c’est ingérer les fantômes des corps qui la hantent. Quand nous soulageons nos vessies, nous rendons à la mer nos antidépresseurs, nos oestrogènes de synthèse et nos excréments. Mais ce que nous rendons également à la mer, c’est le sens qui infiltre ces matérialités : la culture du jetable, la médicalisation, la déconnexion écologique. Les profondeurs des océans portent l’archive moléculaire des ères géologiques les plus anciennes : l’eau retient nos secrets, même quand nous préférerions les oublier. De la pluie aux tsunamis, l’eau fait remonter vers nous nos passés les plus anciens comme les plus immédiats. »

Astrida Neimanis, “Hydrofeminism: Or, On Becoming a Body of Water.” in Undutiful Daughters: Mobilizing Future Concepts, Bodies and Subjectivities in Feminist Thought and Practice, eds. Henriette Gunkel, Chrysanthi Nigianni and Fanny Söderbäck. New York: Palgrave Macmillan, 2012

En novembre 2020, Ambre Petitcolas découvre ce texte d’Astrida Neimanis. La première fois qu’elle le lit, elle le lit à voix haute dans son lit, et elle pleure. À partir de ce moment précis, tous les fluides de son corps se mettent en mouvement dans un but précis : rendre ce texte plus accessible et le transmettre à celleux qui ont besoin de l’entendre.

Lors d’une résidence au 3bisF qui dure deux jours, elle s’emploie pour la première fois à le traduire en français. Le lendemain, elle le performe dans la salle de bain de l’atelier, entourée des bruits d’eau et des fantômes des anciennes patientes de l’hôpital psychiatrique. Dans le bain brûlant qu’elle a fait couler dans la vieille baignoire, elle lit ce texte aux visiteurices, baignée dans la lumière bleutée des vagues d’une vidéo tournée par Anaïs Ghedini.

Courant 2021, Ambre viendra plusieurs fois à la compagnie. Grâce à leur imprimante alimentaire, elle produira dix éditions de ce texte totalement comestibles et imprimées sur du papier soluble dans l’eau. C’est ainsi que commence un cycle de performances pour baignoires qui sera offert aux habitant.e.s de six salles de bain, de Marseille à Annecy. La performance commence, la vidéo se lance, la salle de bain se charge d’énergie. Elle rentre dans la baignoire, quelques feuillets à la main. Le texte se fait entendre, il rebondit sur les carreaux de la crédence et envahit l’espace. À chaque fois qu’une feuille tombe, elle se fâne à la surface de l’eau, se ride, sombre petit à petit. Plus les pages tombent, plus nous coulons avec elles. À la fin, le texte est fluide, gluant, visqueux. Parfois il colle à la peau et y imprime ses vestiges. La bonde s’ouvre et les tourbillons l’emmêle. Il a imprégné l’espace et il est temps pour lui de remplir les canalisations, les cuves, les lacs, la mer, le monde. Quand il est parti pour de bon, le tuyau crie, comme pour nous annoncer son départ. Ce n’est que la première étape de son voyage.

Ces performances et cette édition ont fait l’objet d’une restitution à l’École Supérieure d’Art d’Aix-en-Provence le 23 juin 2021, lors du Diplôme National Supérieur d’Expression Plastique d’Ambre Petitcolas. La traduction du texte a été menée en collaboration avec Romain Emma-Rose Bigé.
Le texte est consultable ici.

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