2019-2023 Lire et manger le livre avec Paul-Emmanuel Odin
Lire et manger le livre avec Paul-Emmanuel Odin
Les rendez vous ont commencé autour du travail de l’artiste turque Özlem Sulak sur les livres censurés, en 2013.
L’idée venait de Paul-Emmanuel Odin comme axe de médiation.
Le projet a continué depuis…
séances passées
11.2022-05.01.2023 6eme édition Lecture par nature
06.10.2021 atelier du mercredi
05.07.2021 HallePuget-quartier d’été
31.05.2019 avec les artistes de 143 rue du désert
22.06.2019 Portes ouvertes avec les habitants
13.09.2019 à l’Alcazar
28.09.2019 de 16h à 18h suivi du pot de clôture de l’exposition 143 rue du désert
5.10.2019 de 14h à 16h à l’îlot Velten pour les 60 ans du Contact Club
2013, autour du projet d’Özlem Sulak à Velten
Références :
Gérard Haddad, Manger le livre
«Manger de l’écriture en commun, moment fondateur du sentiment de groupe dans un acte cannibalique singulier, manifestant avec éclat cette passion, amour et haine confondus, de l’être humain pour le signifiant.»
«En ce moment privilégié, par son incorporation de signifiant, l’homme renouvelle le pacte fondamental qui le lie au langage.»
« Ne savons-nous pas que les livres passionnants «se dévorent» quand d’autres sont «indigestes»? Les exemples de métaphores alimentaires concernant les livres sont légion dans la littérature.»
« On fait manger à cet enfant [l’enfant qui commence à apprendre à lire] le premier œuf pondu par une poule sur lequel le maître écrit une formule mentionnant le Nom. Des coutumes pédagogiques touchantes se rattachent à cette prescription. Dans certaines communautés la première leçon de lecture consiste à écrire sur une tablette certaines lettres recouvertes ensuite de miel. Pour cette première fois, le jeune élève n’a pas à déchiffrer les inscriptions mais à lécher le miel jusqu’à l’effacement – donc l’incorporation – de l’écriture. Des pratiques analogues consistent à préparer pour le jeune élève des gâteaux en forme de lettres qu’il mangera. L’explication immédiate de ces coutumes pédagogiques – associer une expérience gustative plaisante à l’étude, par conséquent déplacer sur cette dernière la jouissance orale -, replacée dans le champ que nous tentons de frayer, paraît bien dérisoire. »
Gérard Haddad, Manger le Livre – Rites alimentaires et fonction paternelle, ed. Fayard-Pluriel, 2010 ; Grasset, 1984.
John Latham, Still and Chew (1966)
John Latham emprunte à la bibliothèque londonienne de l’Ecole St. Martin – où il enseigne l’art – la collection des essais de Clement Greenberg intitulée Art et culture (livre trop à la mode du point de vue de Latham). Il organise ensuite un « dîner », nommé mystérieusement « Still and Chew »où les participants (ses étudiants en fait) sont invités à déchirer et à mâcher les pages du livre de Greenberg. Les participants mâchent à peu près un tiers du volume et produisent un tas pulpeux, lequel est ensuite immergé dans une solution contenant trente-cinq pour cent d’acide sulfurique, laissé jusqu’à ce que la solution soit convertie en sucre, neutralisée avec du bicarbonate de sodium et ensuite associée à de la levure pour la faire fermenter. Pendant une période de presque un an, le produit est laissé en infusion, et cela jusqu’au moment où Latham reçoit une carte de la part de la bibliothèque, lui demandant le livre pour le soumettre à un prêt. Latham fait décanter la pulpe dans un contenant en verre, lui ajoute une étiquette disant « Art et Culture » et renvoie l’objet à la bibliothèque en expliquant qu’il s’agit bien du livre requis. Le jour suivant Latham est renvoyé. Cette action provocatrice est matérialisée dans un objet conservé au Musée d’Art Moderne de New York, c’est une des plus grandes œuvres de l’histoire de l’art conceptuel.
Nous aimons tellement les livres que nous les mangeons. Nous réalisons des livres en gâteaux, avec couverture imprimée sur du sucre. C’est une façon d’interroger le sens toujours inavalable (parce que vivant) du poétique. Manger l’irreprésentable et représenter l’immangeable s’entrecroisent. L’étrangeté des livres mangeables est l’occasion de rituels culinaires et culturels.
Ce rituel culinaire et culturel part de l’idée qu’en mangeant des livres leur contenu rentre directement dans nos têtes.
Vous voulez cuisinez et lire un livre mangeable ? Faites une des recettes que l’on vous donne ou faites celle que vous voulez (dans un moule rectangulaire de préférence) Amenez votre gâteau à la compagnie avec le livre que vous avez choisi de lire et de manger Nous imprimerons votre couverture sur une feuille de sucre avec de l’encre alimentaire et confectionnerons le livre mangeable.
Et nous vous attendons pour lire un extrait de votre livre et le manger ensemble.
Les enfants qui normalement ne veulent pas lire ne peuvent tout à coup plus s’empêcher de vouloir lire encore et encore !
Démystifier les livres par l’oralité (paroles et pâtisseries)
Ce rituel culinaire et culturel s’adresse à un public de 5 à plus de 100 ans. Il est important que le groupe soit hétérogène, divers, varié, avec des personnes non seulement de différents âges, mais de différents horizons, de différentes origines, de différentes classes. Cette multiplicité se réfléchira dans le choix des livres qui seront aussi différents que possibles les uns des autres.
Le rituel se prépare pendant une semaine à dix jours, avec la question adressées au public : quel livre voudrez-vous lire et manger ? Tout le monde peut participer, même, et surtout, les personnes qui ne lisent pas, qui ne savent pas quoi lire. Justement, la question – curieuse, étrange – fait que c’est une occasion autre que seulement lire : il s’agira de lire, et de manger, c’est-à-dire de vivre.
Vivre la lecture, telle est l’idée précisément. Redécouvrir la lecture, par la lecture collective. Quand une personne ne sait pas quel livre lire, on l’aide à choisir, on se renseigne en fonction du type de livre désiré pour trouver celui qui plaira. Pendant la préparation, il est aussi posée la question : quel goût aura le livre que vous lirez ? quelle recette imaginez-vous pour manger votre livre, où le livre de quelqu’un d’autre ?