31.03.17-13.05.17. Dominique Petitgand – La fréquence du secteur


vernissage de l’exposition le vendredi 31 mars  2017 à 18h
du mercredi au samedi de 15h à 19h et sur rdv, entrée libre

En partenariat avec l’Ecole supérieure d’art d’Aix-en-Provence, l’Ecole supérieure d’art et de design de Marseille Méditerranée, Vidéodrome2, Cinéma Gyptis

Remerciements : GB Agency, Marie Vachette, distribution Vendredi

 

extraits de l’installation sonore

Communiqué de presse-Dominique Petitgand-PDF

Dossier de presse-Dominique Petitgand-PDF



Présentation générale

On pourrait dire que l’univers des pièces sonores de Dominique Petitgand est fermé, clos, séparé de tout par une capacité d’abstraction inouïe, et en même temps il rentre par effraction dans notre monde le plus secret, parce qu’il attrape quelque chose du bruit de notre voix, de notre souffle, de notre quotidien. On y entre un jour par mégarde, et c’est une expérience inoubliable, dont on ne peut plus se séparer. On y revient régulièrement donc, pour observer comment, peu à peu, se nourrit cette œuvre, comment elle se développe. C’est un monstre subtil, absorbant, ramassé, d’une puissance onirique hallucinante.

La voix est centrale chez Dominique Petitgand, et donne cette impression frappante de « gros-plan » ou de « visage sonore ». Parole, silence, bruits et atmosphères musicales sont intriqués les uns les autres par rapport à cette dimension maître de la voix qui à la fois culmine, s’arrête et s’effondre. La voix est tantôt d’une présence et d’une proximité vertigineuse, tantôt plongée subitement et brutalement dans le silence et le néant. Micro-narrations et matérialité extrême des sons, chaos et abstraction. Dans l’installation La fréquence du secteur (2002/2017), réalisée pour la compagnie, Dominique Petitgand rassemble et recompose plusieurs œuvres d’une même série, où c’est une voix féminine qui est le point d’articulations des sons, des silences. Dominique Petitgand diffuse ses pièces sonores lors de séances dans l’obscurité, sur CD ou sous forme d’installation. Il a présenté à la Compagnie l’exposition Un soulagement en 2009, et y a également proposé de nombreuses diffusions.

croquis préparatoire



Note de l’artiste

L’exposition La fréquence du secteur met en présence plusieurs séquences imbriquées les unes dans les autres, extraites d’œuvres issues de l’ensemble au titre générique Les liens invisibles (Quant-à-soi, La main coupée, Proche, très proche, Les liens en sourdine, Une partie de toi et Les liens invisibles).

Sept haut-parleurs sont répartis dans les espaces de la galerie (l’espace principal, l’annexe, la mezzanine et le sous-sol), à différentes hauteurs et selon différents modes d’apparition (à hauteur d’oreille, au sol, en plein vue ou cachés).

Ces haut-parleurs diffusent, de façon différenciée, trois types de sons : la voix principale, claire et intelligible (une femme qui monologue et s’interroge sur les liens invisibles), les bruits (perturbations électriques, distorsions, vibrations, ondes, éclats ou gestes) et les autres voix indéterminées et inintelligibles (cris, chants ou harangues).

Les différentes séquences mettent en présence une série de duos composés, d’une part, de la voix principale (pivot central et invariable de l’exposition) et, d’autre part, des autres sons et voix, en satellite.

Deux types de relation définissent ces séquences en binômes : le synchronisme (chaque fragment de parole comme un décalque exact de son équivalent bruité ou chaque bruit en imitation exacte des phrases – doublons associés étroitement au montage, dissociés et mis à distance dans l’exposition) ou le décalage en ping-pong (dialogues à distance en questions/réponses ou effet perroquet).

Le montage global, entrecoupé de silences, sans début ni fin, ni durée aisément perceptible, questionne les liens, les similitudes et les mimétismes entre les différentes sources sonores s’accompagnant ou se cognant à distance, sejoue des associations et des dissociations, des fausses répétitions, des variations et des reprises.

recto carton d’invitation



Note curatoriale

«Comme la foudre tombant sur une guitare ou un radiateur» (note autour de La fréquence du secteur de Dominique Petitgand) | Paul-Emmanuel Odin

Comme s’il avait toujours cherché quelque chose de précis, Dominique Petitgand compose ses pièces sonores avec une parcimonie redoutable, touchant un interstice où l’imprévisible est pris dans un battement, une ouverture ou une fermeture.  C’est par le très peu qu’il crée un univers disloqué et tenace, peuplé de tensions, de paradoxes. L’intimité qui caractérise ses sons produit un effet de gros-plan, une dimension de proximité anormale, inquiétante. Comme au microscope, le détail d’une coupe, d’une humeur, change toute la perception. Des sons familiers sortent du plan familier. Ça commence avec les haut-parleurs, qui les premiers lâchent et libèrent les sons : c’est aussitôt des zébrures dans les fenêtres de l’écoute (à l’opposé des casques qui individualisent le contexte en un microcosme suffisant). Si les compositions sonores n’exigent pas un espace silencieux, c’est qu’elles incorporent les divers sons ambiants en tant qu’ils sont inéluctables : elles pétrissent par là toute la matière de l’espace.

Le fragmentaire et l’hétérogénéité des éléments éveillent alors en nous autre chose que le confort d’une écoute d’agrément. La surprise produite par le surgissement impromptu des sons, ou l’étrangeté qui véritablement déroute, parfois d’une dimension contre-nature, introduisent un questionnement, un mouvement d’analyse et de recherche intérieur qui est vaste comme l’air. On pourrait dire également comme l’absence d’air qui vient faire trou, discontinuité.  Car les silences font lien ou séparent. Falaise abstraite du cut. On oscille entre des interruptions qui nous mettent mal à l’aise, qui nous frustrent, ou qui nous remplissent d’émotion, et des décharges énergétiques absolument saisissantes, généreuses et profondes, qui peuvent aussi être spectrales, désincarnées. Des sons brefs éclatent dans le vide qui ne résonne pas. Une voix est coupée, découpée à l’extrême. Tout juste le son se produit-il. Peut-être est-il seulement suggéré — et le pari serait là, dans cette formidable audace, ce coup de force par le moindre. Cet aller-retour incessant entre le silence et les sons les chargent d’une dimension autophage, comme s’ils s’invaginaient eux-mêmes en se dévorant de l’intérieur. Les sons détiennent un excès de corporéité et en même temps, parfois, ils semblent abstraits, sans corps.

La voix centrale féminine qui est utilisée pour La fréquence du secteur (cette installation préparée pour la compagnie est une version remaniée en somme de la pièce Les liens invisibles, qui elle-même tissait autour d’une même voix un lien entre différentes œuvres) s’élève comme une voix qui appelle du fond du sommeil. Elle surgit d’un néant onirique. On est tenté de voir une réflexivité entre les paroles dites et le sens du dispositif lui-même. Par exemple, on pourrait dire de la femme qui dit son morcellement  (« c’est comme des liens invisibles … c’est comme une partie de toi, mais détachée… ») qu’elle porte le discours et sa séparation comme post-philosophie. Dominique Petitgand arrache la philosophie du champ du savoir pour la projeter directement dans l’expérience par le son. Mais cette voix fait autre chose que dire, elle émet des notes longues, légèrement rauques, à l’attaque sèche et nette, cisèle le silence en une broderie déchiquetée. Presque déjà c’est un pas au delà d’une limite, d’une syllabe, au delà d’un principe, d’une règle, d’un ordre. Une manière de sonder les frontières de la nature, de la réalité. Et peut-être que cette vie est déjà faite d’ombres, de spectres qui errent incertains. Dans la voix de la femme, il y a un rire jeune pour certaines expressions. Dans les ciseaux de sa voix on entend soudain un fracas, des éclats de verre, un bruit sourd de coups. Un mouvement l’anime et bégaie, trébuchant, tombant, s’écroulant. Alors, avant même cette voix, le souffle d’avant le souffle érafle le silence par de brefs à-coups, et puis, c’est un bruissement mou, un bruissement de cailles dans les blés.

Comment un clapotis familier, un cliquetis dérisoire, parait-il tout à coup un léger crissement de diamant sur le verre ? Par quelle transmutation? Pourquoi aimons-nous tellement ces claquements mous et chauds ? Seul le burlesque aurait autant joué d’une disproportion des corps, de leurs déformations, de la subite grimace qui les montre du doigt devant tout le monde avant de les bousculer dans le vide. Des sons pris dans un burlesque mallarméen et beckettien. Et à l’intérieur de cela, les rouages sombres d’une mécanique intelligible qui vire à l’inintelligible. Une voix réduite à une note monosyllabique, à cette amorce d’attaque vocale qui est rentrée, et c’est parfois un son grumeleux inintelligible. Comme le long cri déchiré, celui d’un homme fou qui délire, et que l’on entend à un moment en arrière fond, derrière la voix centrale féminine. Oui, il y a quelque chose de fou dans ce cri solitaire. Une existence folle.

Si l’œuvre de Dominique Petitgand est cryptique, opaque, voire hermétique, elle est aussi en chausse-trappe, et d’une densité alvéolaire, labyrinthique, comme une formidable ressource d’imaginaire où se perdre c’est appréhender un décentrement essentiel. Et cela, alors même qu’une netteté brusque nous frappe, travaillant au corps notre faculté à écouter autre chose que ce que nous entendons, et qu’il est si rare de se trouver au cœur de sons qui se bagarrent avec d’autres sons, avec le silence. Quelque chose arrive aux sons qui n’est pas en eux, et qui tient à une construction savante ou ingénue, à la mise en installation, à un certain jeu de passe-passe, de structure formelle, à une manipulation des sons en tant qu’ils font écrans, murs ou masques pour d’autres sons. Le montage, la répartition dans l’espace des haut-parleurs pour le déploiement de ses installations, sont les moyens simples avec lesquels Petitgand construit l’invisible éclat d’une architecture des sons s’articulant sous la masse de leur propre chair en autant de lieux-sources — telle zone pour la voix, tel lieu en hauteur pour tel type de son, tel lieu en soubassement pour un autre type de son. N’y aurait-il pas là comme un dénudement des étages de l’inconscient, dont la structure inamovible (l’inconscient serait la seule constance d’un désir arbitraire, non justifié, qui ne se rapporte qu’à sa propre énigme dans son insistance têtue) aurait tout à coup été rendue visible ?

Toute fragmentaire qu’elle soit, alors qu’on y entend le désordre intraitable dans le fracas minutieux de son chaos, cette œuvre s’appuie paradoxalement sur des ressorts de structures puissants, dont il va découler des effets de leviers sur les bords du signifiant, bousculant et anéantissant les fondements même d’une ontologie de la parole humaine en tant qu’humaine. La différence ontologique entre la voix humaine et les autres sons est pervertie de la façon la plus dérangeante. Dominique Petitgand ne se contente pas de soulever les transitions imaginaires d’une parole devenue bruit, ou d’un bruit qui parle. Pire, et plus étonnant, les sons viennent eux-mêmes se loger en amont de ce qu’ils intriguent en nous, dans la proximité épouvantable d’un corps signifiant du son qui n’appartient plus à l’humanité, qui s’autonomise par rapport à elle. Quel est ce son qui ne parle pas, qui vient systématiquement se coller à un autre son comme s’il dialoguait avec lui, alors qu’il touche l’ignorance où je suis qu’il parle à la place d’une voix qui n’est plus (parce que Petitgand l’a supprimée et remplacée par des bruits à qui il a donné malicieusement la même durée, la même rythmique, en gros, la même morphologie )? C’est dire l’endroit liminal où opèrent les montages de Petitgand, et la spectralité qui infeste les signes, voués à errer, à flotter, dans l’indéfini d’une torsion monstrueuse.

Le son qui arrive en lieu et place de la parole ventriloque donc l’homme en l’évidant de ce qui le définit une dernière fois. La voix humaine — que l’on a pourtant jamais entendu comme cela, dans cette proximité étourdissante que l’on nomme avec ce terme de « visage sonore », pour nommer ainsi le surgissement d’un excès d’humanité dans cette visagéité qui est d’un nouveau type — a perdu le monopole de la parole. Ces sons inintelligibles, ces bruits, ont non seulement pris la place de la parole, mais ils l’ont détruit depuis un au-delà insaisissable, en la poussant de la façon la plus physique sur des dimensions inimaginables, insupportables, inhumaines. Qu’est donc cet objet sonore inhumain qui se met à faire visage ? Ce geste violent, dérangeant, est comme une erreur anodine, un accident dérisoire mais inéluctable, et ses conséquences sont aussi bien fugaces qu’imprévisibles. La véhémence d’une passion des sons commence là, avec ce dérèglement intérieur que Dominique Petitgand déclenche. La structure ou le dispositif formel si fermement articulé et affirmé n’aurait pour but que de permettre cette crise ou cette perception plus directe d’un intervalle, d’un interstice où le fugace et l’insaisissable nous fascinent, nous hypnotisent. L’articulation plus profonde des sons, absolument souterraine ou inconsciente, tiendrait à cette part de chair, ou de souffle humain, qu’ils détiennent malgré eux par la greffe de l’écoute. C’est à la fois une bouffée d’air (on croirait débouché sous nos narines comme un flacon ; et cela rappelle ce titre de Petitgand, Exhalaison) et l’angoisse de l’asphyxie, une terreur conceptuelle déguisée en grésillements discordants, comme la foudre tombant sur une guitare ou un radiateur.



Biographie Dominique Petitgand

né en 1965 à Laxou, France ;  vit et travaille à Nancy et Paris

Depuis 1992, Dominique Petitgand compose et réalise des pièces sonores, où les voix, les bruits, les atmosphères musicales et les silences construisent, par le biais du montage, des micro-univers où l’ambiguïté subsiste en permanence entre un principe de réalité (l’enregistrement de gens qui parlent d’eux) et une projection dans une fiction onirique, hors contexte et atemporelle.

L’utilisation exclusive du son le place dans un territoire singulier et mouvant qui concerne différentes disciplines artistiques : il diffuse ses œuvres au cours de séances d’écoute qui s’apparentent à des concerts en plein air ou dans l’obscurité d’une salle, sur disques mais aussi lors d’expositions, sous la forme d’installation sonore dans laquelle le dispositif de diffusion des sons, adapté aussi bien à la particularité de l’espace investi qu’au récit lui-même, propose à chaque auditeur une expérience plurielle et ouverte.

Dominique Petitgand montre régulièrement son travail en France et à l’étranger, dans des galeries, des centres d’art, des musées.

Il a, entre autres, exposé à Art International (Istanbul), au Centre International d’Art et du Paysage (Vassivère), au Contemporary Art Museum (St Louis, USA), à la Biennale de Lyon, à la Tate Modern (Londres), au MUDAM (Luxembourg), à Art Basel (Bâle), au Plateau (Paris), au MAC/VAL (Vitry-sur-Seine), aux FRAC Haute-Normandie, Lorraine et Auvergne, à l’abbaye de Maubuisson (Saint-Ouen-l’Aumône), au Royal College of Art (Londres), au MUHKA (Anvers), au Confort Moderne (Poitiers), au Musée Royal de Belgique (Bruxelles), au Musée National des Beaux-Arts de Québec, à la Concordia University (Montréal), au Centre Culturel Français de Milan, aux Laboratoires d’Aubervilliers, au Musée d’Art Contemporain de Marseille, au TN Probe (Tokyo), au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris…

Mais aussi lors de festivals, au Centre Pompidou (Festival du réel, Paris), à L’Institut Français de Berlin, à la Maison de la Radio (INA-GRM, Paris), au Grand Palais (La force de l’art, Paris), au Film Festival (Rotterdam), à la radio WKCR de Colombia University (New-York), au Jardin Botanique (Bruxelles)…

Plusieurs de ses œuvres sont présentes dans des collections publiques et privées.

Il a publié une dizaine de disques (Mon possible, Le bout de la langue, Le point de côté, Le sens de la mesure…) et plusieurs ouvrages et monographies autour de sa pratique d’écoute et de création sonore (Les liens invisibles, Sommeil léger, Installations (documents), Notes, voix, entretiens, Textes/sons…).

Dominique Petitgand est représenté par la galerie gb agency (Paris) pour ses installations sonores et par le label Ici, d’ailleurs… (Nancy) pour ses disques.

http://www.gbagency.fr/fr/14/Dominique-Petitgand/


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